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Tu t’en vas où avec tes skis ?

Tu t’en vas où avec tes skis ?

Récit d’un voyage de ski dans les Alpes françaises

– Mesdames et messieurs, nous allons maintenant amorcer notre descente sur Paris. Nous vous demandons de bien vouloir boucler votre ceinture et redresser votre siège.

… ?

Je relève un coin de mon masque rose, je plisse les yeux et je grimace. J’ai brièvement dormi, mais le « réveil » demeure brutal.

Silence complet dans l’avion jusqu’aux crissements des pneus, suivi de l’immanquable pluie d’applaudissements d’une bande de ploucs. ?

Puis, le passage aux douanes françaises se fait de façon franchement plus rudimentaire qu’aux douanes canadiennes :

– Passeport

– (étampe)

– Merci, au suivant!

– …! ?

– Quoi ?!! On ne me demande pas combien j’ai de cannes de sirop d’érable dans mon sac ?

S’en suit une marche interminable dans le terminal B, puis dans le terminal A, puis à travers le terminal D, puis dans le terminal B… (encore ?) &$@*! Ah oui, j’oubliais : tout ce temps-là, je traine un packsack de 23kg, un bagage à main, un sac à ski et un autre sac avec les bottes de ski et le casque. Finalement, nous trouvons le RER (métro) pour nous rendre à Paris – Montparnasse.

Rester coincée dans un tourniquet de métro avec des skis : CHECK!

Check. ?

Et encore check. ?

Je suis restée pognée dans TOUS les tourniquets. Quel que soit le format. Sys.té.ma.ti.que.ment.

J’ai beau tenter de maintenir mes skis à la verticale et surélever mes bagages au-dessus du tourniquet, mais rien n’y fait. Provoquant ainsi un immense bouchon et de nombreux soupirs d’exaspération. À chaque fois, les Parisiens me décochent un regard habituellement réservé aux malades mentaux.?J’en bave encore plus avec les tourniquets blindés de 2 mètres de haut. Je ne comprends même pas comment une seule personne avec sa sacoche peut y entrer. Enfin, je finis par en venir à bout.

Après avoir finalement déposé les bagages chez nos hôtes, le décalage me rentre dedans. Afin de combattre le sommeil, je traine ce qui subsiste de mon corps au château de Versailles. Compte tenu de mon état léthargique, les souvenirs de la visite restent vaporeux. Mon visage était incapable de laisser transparaitre une quelconque émotion. Seul mon cerveau s’exclamait devant la splendeur des pièces. Ooooh. Ouuuuh. Aaah. Puis, non sans difficultés, on passe à travers la journée. C’est enfin le temps de dormir… pour quelques heures.

4h du mat : réveil douloureux et départ pour les Hautes-Alpes. Les 9 heures de voiture nous permettent de dormir à poings fermés sur la banquette arrière, au milieu de tous les bagages, les bottes de ski, le pique-nique et Cléo, le chat.

L’excitation monte d’un cran quand on aperçoit les premières montagnes. Ça sent le ski!

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Nous passons la soirée dans une charmante maison en bois à flanc de montagnes. Apéro de pastis et génépi, feu de foyer et parties de Mille Bornes sont au programme de la soirée.

Après une bonne nuit de sommeil, la fatigue persiste. Je ramasse les poches sous mes yeux et nous partons pour une première journée de ski. Sachez que les goggles de ski demeurent un des meilleurs cache-cernes qui soient.

Risoul, au pied de la montagne, mon amie française s’exclame :

– Merde alors, y’a la queue au télésiège!

– Heu… tu me niaises? Une trentaine de personnes qui attendent le chairlift, t’appelles ça une file d’attente?!! ? Tu paniquerais un samedi après-midi à Bromont ! La file s’étire jusqu’à la cafétéria et se confond avec la file d’attente des toilettes des filles…

Surtout qu’ici, les giga-chairlift, te ramassent 8 personnes dans le temps de le dire et leur vitesse de croisière t’oblige à garder tes goggles tout le long de la remontée.

 

1850 mètres d’altitude plus tard.

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La mâchoire m’en tombe et elle rejoint ainsi les poches de mes yeux. La vue est à couper le souffle. Rien à voir avec nos pistes en couloir bordées d’arbres. Une seule « piste » à perte de vue. Free for all. Je ne sais même plus où aller. Des heures de plaisir. Mais à la fin de la journée, la fatigue me rappelle à l’ordre. En pleine descente, je commence à avoir la vue qui s’embrouille. Le centre de ma vision est victime d’un effet Spirographe.  Ça y est. La folie me guette. Je fais une petite pause. Je me frotte les yeux, mais rien à faire. Il est vraiment temps de rentrer. Le problème c’est qu’ici, ça ne prend pas 56 secondes pour descendre la piste et être en mesure de siroter tranquillement un chocolat chaud. Il faut compter près 1h30 ainsi que 4 remontées de télésiège pour rejoindre le bon stationnement. Au bout de 40 minutes, j’en tremble et ma vision psychédélique me fait chantonner Lucy in the sky with diamond. Pourtant, je continue de sourire comme une abrutie tellement les conditions de ski sont parfaites. Quand on retrouve enfin le stationnement, je suis à l’article de la mort. Je déchausse les skis et je marche péniblement à la recherche de la voiture. Je tiens mes skis et bâtons entrecroisés dans mes bras comme un enfant de 4 ans. Ma démarche chancelante en bottes de ski me donne un air encore plus débile, et je suppose que la trainée de morve n’est pas pour aider. Quand nous finissons enfin par arriver au chalet, je détrône Cléo, le chat, pour me vautrer sur le canapé devant le foyer. Ce soir, la partie de Mille Bornes se fera sans moi.

2 jours plus tard, je me suis remise de mes émotions et mon malaise visuel s’est dissipé. Tant mieux parce que ce matin, nous attaquons La Meige (La Grave). Une montagne colossale de 3600 mètres d’altitude. Du ski non balisé à l’état sauvage. 45 minutes de remontée à l’aide de 2 téléphériques. Du vrai ski, quoi…

Avant la montée, notre guide nous remet à tous un émetteur pour nous retrouver en cas d’avalanche. (!) Puis il nous fait enfiler un harnais… Surprise, je m’imagine très mal en train de faire de l’escalade avec des skis. Je me risque donc à demander l’utilité d’un tel équipement. Le charmant guide, du genre hippie des temps modernes, m’explique qu’il y a beaucoup de crevasses cachées sous une fine couche de neige là-haut.

– Si par mégarde vous tombez dans l’une d’elles, nous serons en mesure de vous remonter plus facilement…Bon, je n’vous dis pas dans quel état, mais bon…hahaha!

?

C’est à ce moment précis que tout le sang de mon visage est allé se planquer dans mes pieds.

3200 mètres plus tard, nous descendons du téléphérique et le guide nous explique que la prochaine étape consiste à se faire remorquer par une dameuse (!) pour rejoindre le tire-fesse (un genre de T-bar) qui lui nous permettra d’atteindre le sommet du glacier. Ben coudonc, j’aurais tout essayé…

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Au sommet, le guide nous fait passer sous une corde qui limite un périmètre. Une pancarte me laisse perplexe…
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Mais bon, tout ça pour skier au-dessus des nuages… ça vaut le coup, non ?
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Les descentes sont tellement longues que vers 15h nous avons seulement fait 2 descentes. Pour la dernière descente, nous remontons au sommet mais la dameuse a fini son shift. Nous devons donc marcher pour atteindre le glacier. Le soleil nous accompagne et descend lui aussi.

 

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Une dernière descente qui nous prendra 3 heures depuis le sommet jusqu’au pied de la montagne. Les conditions nous obligent à adopter un style de ski agressif. Un simple faux mouvement, pourrait facilement me faire perdre le contrôle et prendre la débarque du siècle. Je ne réalise même pas que les cuisses chauffent et crient à l’aide. Plus on descend, plus la neige se fait rare. Si bien que nous atterrissons dans une marre de boue. Et comme si ce n’était pas suffisant, pour atteindre le stationnement, il faut remonter, à pied et skis à l’épaule, une côte de 40 mètres, abrupte et pavée de glace et de boue. Une rampe de corde rudimentaire nous aide à nous cramponner, mais les bottes de ski sont probablement les chausses les moins adaptées pour la remontée de pente escarpée et glissante. Enfin arrivée, haletante et toute en sueur, je me couche de tout mon long en plein milieu du parking. Maintenant, la seule chose que je veux descendre, c’est une bonne bière froide.

Crédits photos: Marie-Hélène Brault

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